Le privilège d’habiter Montréal.
- Laurent Howe
- 1 avr. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 avr. 2024

(English will follow)
Disons-le franchement : vivre à Montréal est devenu un luxe.
Le sujet de l’accès au logement dans la métropole devient de plus en plus brûlant. Depuis que l’on sait que Montréal a connu son pire solde migratoire en 20 ans, l’île a battu l’année dernière un autre triste record : celui de la pire hausse des prix de l’immobilier des dernières décennies. Depuis, plusieurs y sont allés de différentes théories : certains pointent la congestion routière et les difficultés à stationner, alors que d’autres accusent les promoteurs immobiliers d’être responsables du drame.
Cette situation était largement prévisible et ne peut se résumer qu’à une ou deux causes. Pourtant, on omet de souligner un point essentiel qui, quant à lui, est directement imputable aux choix que nos élus ont faits par rapport à leur ville.
En novembre dernier, la mairesse de Montréal déclarait que : « C’est un privilège de construire à Montréal. Les gens viennent à Montréal parce qu’il y a une qualité de vie. » Effectivement, les quartiers centraux proposent généralement une qualité de vie qui s’améliore : circulation apaisée, saillies de trottoirs fleuries, commerces de proximité. Bref, on préserve une ville à « échelle humaine ».
Le problème, ici, est que le privilège de construire à Montréal fait en sorte que ça devient un privilège de… vivre à Montréal.
Prenons, par exemple, l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Cet arrondissement, qui compte plus de 140 000 habitants, a délivré 15 permis de construction résidentielle en 2019 et 13 en 2020. Quand on regarde une carte, il est presque impossible de trouver un terrain disponible. Pire : la plupart du temps, il n’est pas non plus possible d’ajouter des logements ou de construire plus haut. On remplace des immeubles de 8 logements par d’autres immeubles de 8 logements.
Autrement dit, il n’y a plus de place nulle part. Les quartiers centraux ressemblent à une pelouse anglaise de laquelle aucun brin ne dépasse. Lorsque les arrondissements verrouillent le zonage et empêchent l’ajout d’unités résidentielles par une réglementation trop sévère, il ne faut pas s’étonner de voir les prix grimper en flèche. Pour la Ville, la hausse de valeur se traduit par une hausse des revenus fonciers, sans qu’elle ait à augmenter ses services ou à construire des infrastructures pour accueillir davantage de résidents. Pour elle, la situation est idéale. Pour le locataire ou pour la jeune famille qui rêve de s’établir, elle l’est pas mal moins.
Les gens sont choqués de voir apparaître sur le marché des studios à 1200 $ par mois, et même plus. Pourtant, ce qu’on ne réalise pas, c’est que c’est le prix que ça coûte maintenant. Le temps où on pouvait trouver un 4 ½ pour 800 ou 900 $ par mois n’est pas seulement révolu : il est dépassé depuis bien longtemps.
Comprenons-nous bien : l’urbanisme est une affaire de choix. Il n’y a pas, fondamentalement, une « bonne » ou une « mauvaise » façon de faire une ville. Beaucoup adorent New York, alors qu’on ne peut vraiment pas dire que c’est une ville à échelle humaine. On aime Montréal pour d’autres raisons.
Les choix que nous faisons, en matière d’aménagement urbain, ont des conséquences sur une ville et ses habitants. Le choix qu’a fait Montréal, en plafonnant la densité résidentielle dans les quartiers centraux, en préserve certes la qualité, mais a nécessairement pour conséquence de rendre ces quartiers, à terme, inabordables. Les tentes que l’on a vu apparaître le long du boulevard Notre-Dame, cet automne, sont une des conséquences de ces choix.
Si c’est le choix que font les administrations municipales, d’accord. Mais assumons ce choix. Assumons simplement que si la ville est aujourd’hui hors de prix et que les gens moins aisés la fuient, c’est parce que nous avons collectivement fait le choix de faire en sorte que vivre sur l’île soit un privilège, plutôt qu’un droit.
The privilege of living in Montreal.

Let's be honest: living in Montreal has become a luxury.
The subject of access to housing in the metropolis is becoming more and more heated. Since we know that Montreal experienced its worst net migration in 20 years, the island broke another sad record last year: that of the worst increase in real estate prices in recent decades.
Since then, many have come up with different theories: some point to road congestion and parking difficulties, while others accuse real estate developers of being responsible for the tragedy.
This situation was largely predictable and can only be attributed to one or two causes. However, we fail to emphasize an essential point which, in turn, is directly attributable to the choices that our elected officials have made in relation to their city.
Last November, the mayor of Montreal declared that: “It is a privilege to build in Montreal. People come to Montreal because there is a quality of life. » Indeed, central neighborhoods generally offer an improving quality of life: calm traffic, flowered sidewalks, local shops. In short, we are preserving a city on a “human scale”.
The problem here is that the privilege of building in Montreal means that it becomes a privilege to… live in Montreal.
Take, for example, the Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension district. This district, which has more than 140,000 residents, issued 15 residential construction permits in 2019 and 13 in 2020. When you look at a map, it is almost impossible to find available land. Worse: most of the time, it is also not possible to add housing or build higher. Buildings of 8 units are replaced by other buildings of 8 units.
In other words, there is no more room anywhere. The central districts resemble an English lawn from which not a single blade protrudes. When boroughs lock in zoning and prevent the addition of residential units through overly strict regulations, we should not be surprised to see prices skyrocket.
For the City, the increase in value translates into an increase in property income, without it having to increase its services or build infrastructure to accommodate more residents. For her, the situation is ideal. For the tenant or for the young family who dreams of settling down, it is quite less so.
People are shocked to see studio apartments appearing on the market for $1200 a month and even more. However, what we don't realize is that this is the price it costs now. The days when you could find a 4 ½ for $800 or $900 a month are not only over: they're long gone.
Let’s be clear: town planning is a matter of choice. There is not, fundamentally, a “right” or “wrong” way to make a city. Many people love New York, even though we can't really say that it's a city on a human scale. We love Montreal for other reasons.
The choices we make in terms of urban planning have consequences on a city and its inhabitants. The choice that Montreal has made, by capping residential density in central neighborhoods, certainly preserves their quality, but necessarily has the consequence of making these neighborhoods, in the long term, unaffordable. The tents that we saw appearing along Notre-Dame Boulevard this fall are one of the consequences of these choices.
If that’s the choice that municipal administrations make, fine. But let's accept this choice. Let's simply assume that if the city is today overpriced and less well-off people are fleeing it, it is because we have collectively made the choice to ensure that living on the island is a privilege, rather than a right.
Lien vers l'article dans le devoir: https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/593674/libre-opinion-le-privilege-d-habiter-montreal
Photo: Olivier Zuida Le Devoir «Pour la Ville, la hausse de valeur se traduit par une hausse des revenus fonciers, sans qu’elle ait à augmenter ses services ou à construire des infrastructures pour accueillir davantage de résidents», écrit l'auteur.
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